Sholem-Aleykhem

L’écrivain des comédies humaines

Exposition organisée à l’occasion du centième anniversaire de la mort de Sholem-Aleykhem

Sholem-Aleykhem souhaitant la bienvenue (« sholem-aleykhem »). Caricature publiée dans Jewish Quarterly (Londres, 1959) à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de l’écrivain.

Par la puissance de son génie littéraire, où convergent une extraordinaire fécondité, un humour subtil et un amour tenace pour son peuple, Sholem-Aleykhem (1859–1916) a créé une oeuvre-monde, une comédie humaine yiddish en vingt volumes. Son précieux héritage ne se compose pas seulement d’une galerie de héros devenus classiques comme Menakhem-Mendl, Tevye le laitier ou Motl, le fils du chantre. Cet écrivain à la popularité jamais démentie est aussi l’inventeur d’un nouveau langage littéraire, d’un style et d’une
conception du rire qui ont servi de modèle jusqu’à nos jours. Des générations de lecteurs et d’artistes ont pensé le shtetl (la bourgade juive) et le Juif du commun tels que Sholem Aleykhem les a dépeints.
Par ailleurs, la vision même de l’écrivain yiddish moderne comme membre d’un ensemble inscrit dans une histoire de la littérature, où la filiation prime sur la génération spontanée, nous la devons encore à ce petit-fils autoproclamé de Mendele Moykher-Sforim, à Sholem-Aleykhem en qui tous ont vu un père fondateur.

À ses débuts, Sholem-Aleykhem caressa le projet de peindre, dans une vaste fresque romanesque d’inspiration balzacienne, le monde varié et mouvant des Juifs de l’Empire russe de son époque. Di veltrayze (Le Tour du monde, 1886–1887), Kindershpil (Jeu d’enfants, 1887) et Sender Blank (1888) sont autant de brefs romans où il est
question d’une jeunesse assoiffée de changement, d’une bourgeoisie naissante en voie d’assimilation à la culture russe, de familles parvenues rongées par la cupidité. À partir du dernier de ces titres, il pensait bâtir une saga en plusieurs volumes où il appliquerait « l’idée d’Émile Zola pour la construction de son oeuvre immortelle La Fortune des Rougon » (lettre à S. Doubnov du 2 septembre 1888). Par la suite, le romancier préféra centrer son regard sur des personnages appartenant au milieu traditionnel : le musicien (Stempenyu, 1888) ou le chantre (Yosele Solovey, 1889) qui sont, tout comme la femme, les héros de ses « romans juifs ». Enfin, à partir des années 1890, il tendit de plus en plus à céder directement la parole à des personnages très ancrés dans le judaïsme ancestral (Menakhem-Mendl, Tevye, les héros des Monologues). En superposant leur regard au sien, leur voix à la sienne, il réussit enfin à donner de la société juive de l’Empire russe un tableau digne de sa complexité.

Un an après la mort de Sholem-Aleykhem, la révolution russe éclatait et la vie juive fut bouleversée. Les oeuvres de l’écrivain trouvèrent alors un nouvel écho. Sous le pouvoir soviétique, il fut considéré comme l’auteur populaire par excellence et élevé au rang d’icône. Largement édités et traduits en russe ainsi que dans d’autres langues de l’URSS, accompagnés d’introductions visant à les faire rentrer dans le moule idéologique, ses écrits faisaient la joie des lecteurs à l’heure même où la culture yiddish était persécutée par les autorités.

Point d’orgue à l’exposition consacrée à Sholem-Aleykhem à l’occasion du centième anniversaire de sa mort, le somptueux cycle de lithographies originales créé par l’artiste soviétique Tankhum (Anatoly) Kaplan en 1954–1957 illustre « Le tailleur ensorcelé », nouvelle tragi-comique où une pauvre dupe est prise dans des tourbillons d’absurdité. Le travail de Kaplan est emblématique de la manière dont était perçue l’oeuvre de l’écrivain en URSS.

« Sholem-Aleykhem se sent chez lui », caricature de Lola (Leon Israel), parue dans Der groyser kundes (Le grand farceur), New York, le 18 décembre 1914, à l’occasion de l’arrivée de l’écrivain dans la ville. Sous-titre : « Sholem-Aleykhem : Où suis-je ? Logiquement, ce devrait être New York, mais on se croit à Kasrilevke ».

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